Mon analyse de Final Fantasy 16 (inclus quelques spoilers mineurs)

Par Sephiroth le 29.07.2023 : 10h26

Presque 7 ans après la sortie de Final Fantasy 15, l’avant-dernier titre numéroté de la saga, l’arrivée du 16ème opus était un événement rare aux attentes immenses. Un mois après la sortie de ce nouveau jeu, il est temps pour moi de faire le point et d’en donner un avis. Fin 2016, j’écrivais dans cet article une analyse personnelle et subjective du 15ème Final Fantasy, un titre également hautement attendu qui m’avait laissé un goût doux-amer. Dans cette analyse, le nouvel opus sera naturellement beaucoup comparé à son prédécesseur.

Mais tout d’abord, commençons par le commencement. Contrairement à son frère aîné, FF16 n’a pas de genèse compliquée. Le jeu est annoncé en septembre 2020, reçoit une date de sortie à fin 2022 et sort comme prévu en 2023, un cycle de développement plutôt court et sans rebondissements. Fini les tentatives de grandes sagas réparties sur plusieurs jeux, Fabula Nova Cristallis n’ayant pas réussi à lier les épisodes 13 et Versus 13, ce dernier étant finalement devenu le numéro 15. Terminé également les mises en contexte cinématographiques, FF16 n’est accompagné d’aucun film ou manga animé. Ce titre se veut indépendant et compréhensible sans contexte extérieur. La campagne marketing se limite à une recette bien huilée: présentations lors de salons dédiés aux jeux vidéos, somptueux trailers, et une démo jouable plutôt généreuse peu avant la sortie du jeu.

L’équipe de développement choisie pour la réalisation du titre est la CBU3 (pour Creative Business Unit n° 3) de Square-Enix, un département du géant nippon différent de l’équipe ayant œuvré sur le 15ème titre. Le producteur est Naoki Yoshida, le réalisateur Hiroshi Takai et la musique de Masayoshi Soken, tous trois ayant participé au développement de Final Fantasy 14, le MMORPG à succès s’étant hissé jusqu’à devenir le plus populaire du genre. Le choix de cette équipe de développement par Square-Enix marque le ton: le jeu sera résolument orienté sur le scénario et l’univers. Et Yoshi-P (le surnom de Naoki Yoshida en tant que producteur pour Square-Enix) l’a annoncé à plusieurs reprises lors de la campagne marketing de pré-sortie: tout tourne autour de l’histoire (it’s all about the story dans la traduction anglophone). Le public est averti, bien que le jeu soit un Action-RPG, une attention particulière aura été donnée à la scénarisation et à la narration.

Sans entrer dans les détails scénaristiques pour éviter trop de spoilers, le jeu démarre en trombe lorsque des puissances étrangères attaquent le duché de Rosalia, dont le protagoniste nommé Clive est fils aîné du trône. Enrôlé durant 13 ans comme soldat esclave, la vengeance au ventre comme principal soutien, son passé refait surface lors d’une mission militaire en territoire ennemi. Clive, incarné par le joueur, se retrouve alors dans la clandestinité et fait face aux forces destructrices dans un univers particulièrement dur et sombre, du moins pour cette série. Le scénario est finalement très classique pour la saga au double F, et d’autant plus efficace qu’il s’inscrit dans la lignée des principaux succès de la série. Sauver le monde contre une entité maléfique qui transpire la classe et possède des pouvoirs semi-divins est une recette ayant fait ses preuves. On regrettera toutefois que les motivations des antagonistes de cette histoire ne puissent être partagées par le joueur. Les personnages se situent pour la plupart d’un côté ou de l’autre, dans le clan des gentils ou des méchants. Cette polarité entre les deux camps, entre le “moi” et le “eux”, est particulièrement nette et marquée. C’était mon plus grand compliment au 15ème titre, d’avoir réussi à rendre cette équipe de potes tellement vivante et humaine, et d’avoir montré à quel point les situations difficiles ont tendance à rendre explosives des relations qui allaient bien jusqu’ici. Quant à FF14, la réussite est d’avoir rendu certains personnages du camp des méchants aussi finement, jusqu’à partager leurs motivations tout en sachant qu’il nous faut les empêcher d’arriver à leurs fins. Pas tant de subtilité dans le 16ème titre, aucune tension avec les personnages qui vous accompagnent, et aucun questionnement possible sur la légitimité des dessins du Grand Méchant (à moins d’être un psychopathe notoire ou un tueur en série). Une petite déception pour moi dans ce scénario particulièrement manichéen.

Du côté de la scénarisation et de la narration, on est sur un concentré d’efficacité. Pas de monde ouvert, pas beaucoup de temps pour souffler, une ligne directrice très bien tracée et peu d’occupations pour y déroger. Deux quêtes secondaires, une mission et un village plus tard, vous voilà déjà face à un adversaire redoutable, semi-divin, au cours d’affrontements aussi longs que épiques. Ironiquement, c’est également là que le bât blesse. Les points culminants du scénario principal sont à tel point grandioses que le joueur se retrouve un peu désorienté ou déçu lorsqu’il est chargé de retrouver des sacs perdus par un coursier, de faire transiter en douce des marchandises interdites ou de retrouver divers composants nécessaires à la mise en place d’une agriculture dans un territoire hostile. Et pourtant, les quêtes secondaires de Final Fantasy 16 sont particulièrement réussies. À part en tout début de jeu, grand nombre d’entre elles apportent une touche de compréhension et de cohérence supplémentaire au monde de Valisthéa. La grande force du jeu est de construire cet univers, certes sombre et inhumain à bien des égards, et d’y ajouter de la chair. De plus en plus de chair. Et d’éviter le piège des quêtes à répétition, toutes identiques, comme les dépannages de Final Fantasy 15. À condition bien entendu d’être de ceux qui, comme moi, apprécient qu’on leur lise une histoire. Car Yoshi-P l’a dit à juste titre: tout tourne autour de l’histoire. Quitte à décevoir certains joueurs qui préfèrent l’action et la liberté d’agir à leur guise à la construction d’un ensemble cohérent. C’est sur ce point que la CBU3 et l’héritage de Final Fantasy 14 se font le plus sentir, il faut supporter les longs dialogues pour apprécier pleinement le jeu. On aime, ou on déteste.

Un aspect particulièrement réussi du jeu lié à ce système de narration est d'offrir un très large panel de personnages auxquels s'attacher. FF15 n'avait pas grand chose à offrir en dehors du quatuor de potes et de Lunafreya. Ici au contraire, nombres de personnages sont développés au cours de cette aventure et des quêtes secondaires, tous avec leurs caractères et motivations, et sont portés par un doublage francophone de très grande qualité. Que ce soit Jill, Cid, Hugo, Dion, Gab, Mid ou Harpocrate, et pour ne citer que les plus présents, j'en suis venu à apprécier leurs caractéristiques et différences propres. Mention spéciale au doublage francophone de Byron, le personnage qui m'a marqué dès ses premières lignes de dialogue.

Au niveau du système de combat, FF16 est dans l’ensemble une nette amélioration du système de FF15. Beaucoup moins brouillon, avec une caméra moins rétive, plus nerveux et facile à prendre en main, il n’a pas à rougir face aux plus gros titres A-RPG. Le système de Clive permet à chaque joueur de définir ses propres combos, arrangés selon son propre style de jeu. Et même si certains sorts de chimère ont une forte chance d’être dans la plupart des choix (comme les très efficaces Zantetsuken Niv 5 ou Giga-Fission), la place laissée à l’expression du style personnel reste très intéressante. J’ai trouvé le système de combat de la forme humaine de Clive absolument génial. Sous la forme d’Ifrit (et pire de Phénix), c’était un peu plus compliqué pour moi. La plupart des affrontements restent tout à fait agréables, et l’une des phases contre titan est d’ailleurs une merveille à mes yeux. Courir sur des tentacules gigantesques à toute vitesse en évitant des claques d’appendices faisant des centaines de fois la taille du joueur a été une expérience enivrante. Ceci dit, les affrontements de chimères ont souvent trop de phases et aboutissent à des combats beaucoup trop long, beaucoup trop brouillons, et parfois difficilement compréhensibles. Une chimère qui lance des projectiles lumineux sur fond de ciel étoilé et d’explosions diverses et variées, j’ai eu beaucoup de mal à suivre. Mais peut-être est-ce mon âge qui transparaît dans cette remarque... Le fait de me réjouir de revenir à une forme humaine, de poser les pieds au sol et de pouvoir sortir ma lame, tout simplement, m’a laissé un goût un peu amer. Je regrette que les points culminants de certaines batailles se soient faits dans un mode de combat que je n’ai jamais réussi à pleinement apprécier (et dans le cas de Phénix, que j’ai franchement détesté).

Outre le scénario et le système de combat, tout de même les points principaux d’un A-RPG, on notera une musique de Masayoshi Soken plutôt réussie, alternant entre titres reposants dans les villages et pistes enjouées lors des combats. À quelques exceptions près, la variété et l’adéquation des musiques à la situation m’a enchanté. Du moins tout autant que dans les derniers FF, que ce soit la saga Lightning ou Final Fantasy 15. Ma nostalgie personnelle des titres de mon adolescence, lorsque Nobuo Uematsu était aux commandes des FF 7 à 9, m’empêche une comparaison équitable et je ne m'y livrerai donc pas.

Graphiquement, c’est plutôt beau. Quitte parfois à oublier la distinction entre scènes cinématiques pré-calculées et scènes cinématiques rendues par le moteur du jeu. Rien qui ne sorte de l’ordinaire, les AAA actuels ayant pour la plupart des graphismes comparables. La qualité visuelle est au niveau requis pour un jeu de cet ampleur, ni plus ni moins.

Avant de conclure cette analyse personnelle et totalement subjective, je vais ajouter deux points qui m’ont procuré de légères déceptions. Premièrement, j’aurais souhaité un personnage principal féminin un peu plus présent, un peu plus fort. Jill est loin d’être inintéressante, elle accomplit sa propre vengeance par les armes, mais reste très effacée et au service de Clive, d’autant plus vers la fin du jeu. Mention honorable pour avoir évité les abysses de FF15, où le joueur était attendu dans le premier village par Cindy (ai-je besoin d’en dire plus pour transmettre ma pensée ?). Petit regret tout de même dans une saga qui a souvent fait la part belle aux duos, ou même parfois à un casting entièrement féminin. Mon second point de critique est l’évolution de Clive et le fan service. La plupart des objets sont servis au joueur sur un plateau, et la possibilité de faire l’arme ultime repose sur la réalisation de quelques quêtes annexes. Pas de farming, peu de possibilités pour optimiser le personnage, on est sur du strict minimum. Côté fan service, le chocobo est incontournable, un personnage nommé Cid également. Mais je reste sur ma faim pour le reste. Un mog, un seul (et il aurait pu ne pas être présent vu qu’il sert d’interface pour accéder au tableau de chasse qui aurait pu être cliquable), peu de monstres habituels (le morbol est présent, mais pas de pampas ni de tomberry), et surtout absence totale de mini-jeu. Après la merveille du jeu de pêche de Final Fantasy 15 (que j’ai adoré au-delà du raisonnable), sans compter les quelques mini-jeux supplémentaires d’Altissia, ce manque est assez troublant pour un Final Fantasy. Que ce soit par des courses de chocobos, un jeu de carte, du blitzball ou autre, les mini-jeux ont souvent été de la partie. Un autre regret pour le fan inconditionnel que je suis, même si de nombreux joueurs n’y seront pas forcément sensibles.

Pour conclure cette longue diatribe, je pense que Final Fantasy 16 prend le joueur par les tripes du début à la fin. Il s'insère parfaitement dans cette saga que j'apprécie tant, malgré quelques critiques justifiées. Le titre est excellent, intense, et j'ai réellement aimé la traversée de cet univers et les rencontres que j'y ai fait. Et d'espérer que le prochain jeu à porter l'un des célèbres numéros se fera attendre un peu moins longtemps.

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